19 janv. 2020

Poème

On navigant à droite à gauche sur Internet je suis tombé sur un texte qui tente d'exprimer de manière poétique et imagée ce à quoi correspondent les gestes de l'archer durant le tir proprement dit. 

J'aime beaucoup la façon dont les choses sont exprimées ici car elles s'inspirent de la Nature et je sais combien les Japonais sont proches de leur environnement naturel depuis toujours. D'ailleurs j'ai souvent entendu les sensei, Japonais (ou Français), employer des expressions empruntées à la nature pour appuyer leurs explications.

Je vous laisse apprécier ce très beau texte :


L'oiseau est votre main gauche qui saisit l'arc.
Le pont est la flèche qui relie gauche et droite.
Le lapin est la main droite qui saisit la corde.

La main gauche est l'oiseau.
L'oiseau ferme son bec naturellement, sans plus de force que nécessaire, comme un aigle perché sur l'arbre regardant sa proie (yugamae, 弓構え),
Il repère sa proie et prend son envol (uchiokoshi, 打起し).
Un dernier plongeon est fait (hikiwake, 引き分け).
C’est à ce moment crucial que la proie est prise dans un éclair de synergie (hanare, 離れ).
Pendant tout ce temps, le bec est doucement fermé comme il l'était depuis le début, connecté au regard d'une inébranlable attention, afin ne pas interférer,  mais simplement jouer son rôle dans la chasse.

La main droite est le lapin.
Elle se recroqueville, ronde, d’une douceur parfaite.
Dans cette position accroupie, elle attend, douce et ronde, les yeux ouverts et alertes.
La toucher semblerait un nuage d'une souplesse impénétrable.
Dans un environnement en constante évolution, le lapin attend, pendant l’ouverture de l’arc (打起し, 引き分け, kai, 会)…
il saute (pyon !)

A ce moment de libération (離れ), le lapin saute tout droit, tout comme la corde qui jaillit également dans la direction opposée. 
Sans hésitation. Sans avertissement.
Dans un bond limpide, le lapin est relâché sans laisser sa trace.
La main est comme la patte d'un lapin.
Le pouce est le lapin bondissant.

La flèche est le pont courbé qui relie les deux mains.
Pour que ces côtés opposés ne soient pas deux, mais un.
Toujours connecté, toujours droit, toujours tendu, le pont est bâti lorsque les deux mains sont à leur place, ancrées par une douce expansion dans des directions opposées (hariai, 張り合い dans le corps durant 弓構え).

Le pont peut s'élever (打起し) et être séparé (引き分け),
mais il relie toujours les deux mains.
Le pont est parfaitement droit.

Le pont répartit uniformément son poids à gauche et à droite.
Écartez ce pont depuis son centre lorsque vous tirez l'arc.
Prenez le pont en direction de l'espace,
là où les choses commencent à devenir vraiment intéressantes...

Votre main gauche est un oiseau.
Cet oiseau est un phénix.
Ce phénix est le soleil.
Votre main droite est un lapin…
Ce lapin est la lune.

Lorsque vous ouvrez l'arc,
séparez le cosmos.
Surmontez les forces d’attraction entre les planètes
et séparez-les de votre puissance qui mugit du plus profond de votre ventre (tanden, 丹田)
et s’échappe au travers de vos yeux entrouverts, devenus blancs par votre esprit, calme au centre de l'univers en rotation.

Pour exploiter le pouvoir, il faut mettre tout son être dans une seule et même pensée, une seule action, un seul être.

Expansion. (nobiai, 伸び合い). 
C'est toute l'expansion.
Poussez le Soleil à gauche et la Lune à droite.
Vous êtes le pouvoir suprême au centre, auquel les dieux sont à la merci.

d’après un poème tiré du livre, 弓射における心・技の帰一
Hisashi Murakami sensei, hanshi 10ème dan (1902 - 1987)